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voyait la fumée de leurs villages, dont son camp n’était qu’à dix ou douze lieues. Le guide que Lédesma prenait pour s’y faire conduire avec ses troupes ne parvenait jamais qu’à les égarer. Un jour qu’ils le convainquirent de sa mauvaise foi, et qu’ils lui en faisaient un reproche, il leur confessa qu’il y allait de sa vie. « Mais pourquoi, lui demandèrent-ils, ces peuples ne veulent-ils pas qu’on aille chez eux ? Parce qu’ils craignent, répondit-il, que, si vous en saviez le chemin, vous ne les fassiez tous mourir, comme vos prédécesseurs ont fait à l’inca pour s’emparer de son empire et de ses richesses. » Le guide ajouta que les Oréjones étaient ceux que les incas employaient à faire valoir leurs mines, et qu’après la mort funeste d’Atahualpa, ils s’étaient réfugiés chez les Churumacas, qui les avaient bien reçus. Suivant le P. Loçano, ils descendaient des nobles Oréjones du Pérou, auxquels les incas devaient leurs conquêtes, et du nombre apparemment de ceux à qui Raleigh et Keymis attribuent la fondation d’un nouvel empire dans la Guiane. Enfin, soit faiblesse dans l’attaque, ou force extraordinaire dans la résistance, il est certain que les Espagnols n’ont encore pu s’établir solidement dans le Chaco. Mais parmi les peuples qui occupent encore ce vaste pays, il en est beaucoup qui changent de nom ou s’éteignent, de sorte que l’on ne sait plus où les retrouver avec certitude.