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adressé nos prières ; et quoique ce grand Dieu ne fût pas visible, non-seulement il nous avait entendus, mais il savait ce que nous pensions au fond du cœur. Là-dessus je commençai, avec le secours de l’interprète, à lui expliquer une partie de notre religion, et j’y employai plus de deux heures. Ils m’écoutèrent avec de grandes marques d’admiration. Enfin un autre vieillard me dit : « Vous nous apprenez plusieurs bonnes choses que nous n’avions jamais entendues : cependant vos discours me rappellent ce que nos pères nous ont souvent raconté. Long-temps avant eux, et si long-temps, qu’ils n’avaient pu tenir le compte des lunes, un étranger, vieux et barbu comme vous, vint dans ce pays, tint le même langage que vous, et ne persuada personne. Ensuite il en vint un autre qui nous donna sa malédiction avec une tacape, dont nous n’avons pas cessé de nous servir pour nous massacrer l’un l’autre ; à présent c’est un usage établi parmi nous : si nous venions à l’abandonner, nous deviendrions la risée de tous nos voisins. » Je répliquai avec toute la force possible que les lumières de la vérité devaient leur faire mépriser le jugement d’une multitude d’aveugles ; et que le vrai Dieu que je leur annonçais leur ferait vaincre tous leurs ennemis. Ils furent émus jusqu’à promettre de suivre la doctrine qu’ils venaient d’entendre, et de ne plus manger de chair humaine ; ils se mirent à genoux pour faire la prière à notre exemple,