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filées, dont plusieurs avaient plus de deux brasses, pendues à leur cou ; c’était une horreur de voir leur contenance : mais ce fut bien pis lorsqu’ils vinrent à s’approcher ; car, étant à deux ou trois cents pas les uns des autres, ils se saluèrent d’abord à grands coups de flèches, et dès la première décharge vous en eussiez vu l’air tout chargé. Ceux qui en étaient atteints les arrachaient de leur corps avec un merveilleux courage, les rompaient, les mordaient à belles dents, et ne laissaient pas de faire tête malgré leurs blessures ; sur quoi il faut observer que ces Américains sont si acharnés dans leurs guerres, qu’aussi long-temps qu’ils peuvent remuer bras et jambes, ils ne cessent point de combattre, sans reculer ni tourner le dos. Quand ils furent mêlés, ce fut à faire jouer des deux mains les massues de bois, et à se charger si furieusement, que celui qui rencontrait la tête de son ennemi, non-seulement le renversait par terre, mais l’assommait comme nos bouchers font les bœufs. On me demandera ce que mon compagnon et moi nous faisions dans cette rude escarmouche. Je réponds, pour ne rien déguiser, que, nous contentant d’avoir fait la première folie, qui était de nous être hasardés avec ces barbares, et nous tenant à l’arrière-garde, nous étions seulement occupés à juger des coups. Mais quoique j’eusse vu la gendarmerie en France, tant à pied qu’à cheval, je dois dire que les morions dorés et les armes luisantes de nos