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Ils se cachent à quelque distance des habitations ennemies, pour chercher l’occasion de les surprendre ; et, attendant les ténèbres, ils y mettent le feu, et profitent de la confusion ; ils y exercent toutes sortes de cruautés : mais leur principal objet est toujours d’enlever des prisonniers. Ceux qu’ils tiennent et qu’ils peuvent emmener dans ces occasions sont gardés soigneusement pour être rôtis et mangés après la guerre.

S’ils ne peuvent éviter de se battre en pleine campagne, leur emportement, redoublé par la force du péril, devient une vraie fureur. « De quoi ayant moi-même été spectateur, dit Léry, je puis parler avec vérité. Un autre Français et moi, quoiqu’en danger, si nous eussions été pris ou tués, d’être mangés des Margajas, eûmes une fois la curiosité d’accompagner nos sauvages, lors au nombre d’environ quatre mille, dans une escarmouche qui se fit sur le rivage de la mer, et nous vîmes ces barbares combattre de telle furie, que gens forcenés et hors de sens ne sauraient pis faire. Premièrement, quand les nôtres eurent aperçu l’ennemi d’environ demi-quart de lieue, ils se prirent à hurler de telle façon, que, quand il eût tonné du ciel, nous ne l’eussions pas entendu. À mesure qu’ils approchaient, redoublant leurs cris, sonnant de leurs cornets, étendant les bras, se menaçant, et montrant les uns aux autres les os des prisonniers qu’ils avaient mangés, et jusqu’aux dents en-