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est arrivé quatre ou cinq ans après dans un navire qui revenait de la Floride), mais, sans avertir personne, de tuer un d’entre nous, pour le faire servir de nourriture aux autres ; ce qui me causa d’autant moins de frayeur, que, malgré la maigreur extrême de mes compagnons, ce n’aurait pas été moi qu’il eût choisi pour première victime, s’il n’eût voulu manger seulement de la peau et des os.

» Nous nous trouvions peu éloignés de la Rochelle, où nos matelots avaient toujours souhaité de pouvoir décharger et vendre leur bois de Brésil. Le maître ayant fait mouiller à deux ou trois lieues de terre, prit la chaloupe avec Dupont et quelques autres pour aller acheter des vivres à Hodierne, dont nous étions assez proches. Deux de nos compagnons, qui partirent avec lui, ne se virent pas plus tôt au rivage, que, l’esprit troublé par le souvenir de leurs peines, et par la crainte d’y retomber, ils prirent la fuite, sans attendre leur bagage, en protestant que jamais ils ne retourneraient au vaisseau.

» Entre plusieurs vaisseaux de guerre qui se trouvaient dans ce port il y en avait un de Saint-Malo, qui avait pris et emmené un navire espagnol revenant du Pérou, et chargé de bonnes marchandises, qu’on estimait plus de soixante mille ducats. Le bruit s’en étant divulgué dans toute la France, il était arrivé à Blavet quantité de marchands parisiens, lyonnais, et d’autres lieux, pour en acheter. Ce fut