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s’est amassée la liqueur. Ils font la même opération sur un grand nombre d’autres, jusqu’à ce qu’ils en aient une quantité suffisante. Alors réunissant toute la liqueur ensemble, ils ne font qu’y passer les fils qu’ils veulent teindre ; mais la couleur ne paraît pas tout d’un coup ; on ne la distingue qu’à mesure que le fil sèche : elle est d’abord blanchâtre, tirant sur le lait, ensuite elle devient verte, enfin pourpre. D’autres la tirent sans tuer le limaçon, et sans l’arracher entièrement de sa coquille : ils se contentent de le presser pour lui faire rendre l’humeur dont ils teignent le fil ; après quoi le remettant sur le roc où ils l’ont pris, ils lui laissent le temps de se rétablir : ils le reprennent et le pressent encore, mais ils n’en tirent pas tant de liqueur que la première fois ; et dès la quatrième il en rend très-peu : si l’on continue, il meurt en perdant le principe de sa vie, qu’il n’a plus la force de renouveler. Ulloa se trouvant, en 1744, à Punta de Santa-Elena, eut l’occasion d’examiner l’animal, de voir extraire sa liqueur par la première méthode, et de voir teindre des fils. Il fut satisfait de l’opération ; mais il nous avertit qu’il ne faut pas s’imaginer, d’après quelques écrivains mal informés, que ce fil teint en pourpre soit fort commun. Quoique le limaçon multiplie assez, il en faut une si grande quantité pour teindre quelques onces de fil, qu’on ne se la procure point aisément, ce qui rend cette teinture fort chère ; elle n’en est que plus estimée. Entre