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plade : mais dans l’intervalle les gallinazos en enlèvent quelques-uns, et le mâle même en mange autant qu’il peut. D’ailleurs la mère dévore ceux qui se détachent d’elle, ou qui ne savent pas nager tout d’un coup ; et sur ce compte, qui doit avoir demandé des observations extrêmement attentives, on assure que, d’une si nombreuse couvée, à peine en reste-t-il cinq ou six.

Les gallinazos sont les plus cruels ennemis des caïmans ; ils en veulent, surtout à leurs œufs, dont la coque est blanche comme celle d’un œuf de poule, mais beaucoup plus épaisse, et leur adresse est extrême pour les enlever. En été, qui est la saison de cette ponte, lorsque les bords du fleuve cessent d’être inondés, ils demeurent comme en sentinelle sur les arbres, le corps caché sous les feuilles, et suivent des yeux tous les mouvemens de la femelle. Ils la laissent pondre tranquillement, sans interrompre même les précautions qu’elle prend pour cacher ses œufs : mais à peine s’est-elle retirée, que, fondant sur le nid, ils les découvrent avec le bec, les serres et les ailes. Le festin serait grand pour les premiers, s’il n’en arrivait un beaucoup plus grand nombre qui leur ravissent une partie de leur proie. « Je me suis sauvent amusé, dit le grave et savant voyageur, à voir cette manœuvre des gallinazos, et la curiosité me fit prendre aussi quelques-uns de ces œufs. Les habitans du pays ne font pas difficulté d’en manger lorsqu’ils en trouvent de frais. Sans