Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 15.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

condition ne portent pour chaussure qu’une espèce de petites mules où il n’entre que la pointe du pied. Dans leurs maisons, elles ne quittent point leurs hamacs, et leur occupation est de s’y bercer pour se rafraîchir. Les hommes aiment aussi cette situation, quelque incommode qu’elle paraisse par la difficulté d’y bien étendre le corps.

» On ne vante ni l’application, ni le savoir des habitans de Carthagène ; mais il n’est pas surprenant qu’il y ait peu d’émulation dans un pays où l’on ne peut se proposer aucun avancement par l’étude des sciences : l’esprit et la pénétration ne laissent pas d’y être des qualités fort communes dans les deux sexes. On compte aussi la charité entre leurs principales vertus, surtout à l’égard des Européens qui, venant, suivant l’expression du pays, pour brusquer la fortune, ne trouvent souvent que la misère, et quelquefois même la mort. Les vaisseaux espagnols n’abordent jamais sans apporter une espèce d’hommes qu’on nomme pulizons, gens sans emploi, sans bien, sans recommandation, vrais aventuriers qui viennent chercher fortune dans un pays où ils ne sont connus de personne, et qui, après avoir long-temps couru les rues de la ville, sans rien trouver qui réponde à leurs espérances, ont pour dernière ressource le couvent des cordeliers, où ils reçoivent de la bouillie de cassave, moins pour apaiser leur faim que pour les empêcher de mourir. Le coin d’une place ou la porte d’une église est leur