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qu’on offre à leurs yeux, ils n’ambitionnent pas même d’allonger un peu celui qu’ils portent. L’or, l’argent et tout ce qu’on nomme richesse, n’a pas le moindre attrait pour un Péruvien. L’autorité, les dignités excitent si peu son ambition, qu’il reçoit avec la même indifférence l’emploi d’alcade et celui de bourreau, sans marquer de satisfaction ni de mécontentement si on lui ôte l’un pour lui donner l’autre : aussi n’y a-t-il point d’emplois auxquels ils attachent plus ou moins d’honneur. Dans leur repas, ils ne souhaitent jamais que ce qui est nécessaire pour les rassasier ; leurs mets grossiers leur plaisent autant que les plus exquis. Plus un aliment est simple, plus il est conforme à leur goût naturel. Rien ne peut les émouvoir ni changer leur naturel. L’intérêt a si peu de pouvoir sur eux, qu’ils refusent de rendre un petit service lorsqu’on leur offre une grosse récompense. La crainte et le respect ne les touchent pas plus : humeur d’autant plus singulière que rien ne peut la fléchir, et qu’on ne connaît aucun moyen de les tirer d’une indifférence par laquelle ils semblent défier l’esprit le plus éclairé, soit de leur faire abandonner cette profonde ignorance qui met la plus haute prudence en défaut, soit de les corriger d’une négligence qui rend inutiles tous les efforts et les soins de leurs guides.

Ils sont fort lents et mettent beaucoup de temps à faire tout ce qu’ils entreprennent. De là le proverbe du pays, pour tous les ouvrages qui demandent du temps et de la pa-