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celle d’une bête féroce, que rien n’arrête quand elle a senti sa proie.

Dans le dessein de reposer l’esprit du lecteur, dégoûté de ces sanglans spectacles, nous ne pouvons mieux faire que de placer ici un événement très-singulier qui se passait à peu près vers le même temps dans l’île de Saint-Domingue, où le courage et la vertu d’un seul homme brava constamment toute la puissance espagnole, et où l’on vit enfin l’empereur Charles, le monarque du Nouveau Monde, forcé de traiter avec un chef américain. Ce chef était le cacique Henri, élevé dans la religion et la discipline des conquérans, mais qui, détestant leur cruauté, dont toute sa famille avait été la victime, avait cherché un asile contre la tyrannie.

Il n’avait pas moins de douze ou treize ans qu’il se soutenait dans les montagnes de Baorruco contre toutes les entreprises des tyrans. Le bruit de sa résolution avait d’abord attiré sous ses enseignes un grand nombre d’Américains échappés des habitations espagnoles, entre lesquels il en avait choisi trois cents qui lui avaient paru plus propres à la guerre, et qu’il avait armés de tout ce qu’il avait pu imaginer. Il s’était attaché surtout à les discipliner ; mais rien ne lui fait plus d’honneur que les bornes d’une simple défense. Divers partis qui furent envoyés contre lui ne retournèrent jamais qu’avec perte ; mais il usait de ses avan-