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rejoint deux de ses lieutenans, Acosta et Poelle, il remporte un avantage considérable sur Centeno, qui commandait un détachement aux ordres de la Gasca. Tout se prépare pour un combat général, mais à peine le président fut-il en présence avec son armée, que celle de Pizarre passa toute entière sous les enseignes royales ; lui-même fut forcé de remettre son épée. Carjaval fut pris dans un marais en voulant se sauver. Leur procès ne fut pas long à instruire ; Pizarre fut condamné à perdre la tête, et Carvajal à être écartelé. Ce dernier avait quatre-vingt-quatre ans ; il mourut comme il avait vécu, bravement, et insultant tout ce qui l’approchait. La fin de Pizarre fut différente ; il mourut en chrétien résigné : il n’avait aucune des qualités de son frère, François Pizarre, si ce n’est le courage guerrier.

Carvajal avait été moine : c’était un homme atroce, d’une perversité brutale, répandant le sang avec délices, et raillant ceux qu’il égorgeait. Il avait fait périr lui seul plus de quatre cents Espagnols et plus de vingt mille Américains ; il ne connaissait pas plus le repos que la pitié. Jamais il ne quittait ses armes ni jour ni nuit ; il donnait peu et toujours sur une chaise. L’usage immodéré du vin et des liqueurs aigrissait encore son sang, et rien ne pouvait apaiser sa cruauté que la vue de l’or : il ne pardonnait qu’à ce prix. Les historiens louent beaucoup sa bravoure, mais c’était