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même temps, Carvajal, qui s’était attaché à la fortune des Pizarre, battait Royas et Centeno, lieutenans de Véla, et se baignait dans le sang de ses prisonniers que le bourreau massacrait devant lui ; et comme si la fortune eût pris plaisir à prodiguer des faveurs de toute espèce à ce brigand féroce avant de les lui faire expier, elle le mène à dix-huit lieues de Plata, aux mines de Potosi récemment découvertes, et les plus riches de toutes celles du Pérou. Aussi altéré d’or que de sang, il s’empare de tous les revenus des mines, ne réservant que la part de Pizarre et celle du roi d’Espagne.

Pizarre revint à los Reyes, où il fut reçu avec tout l’appareil du plus magnifique triomphe. Bientôt lui-même, ébloui de sa prospérité, il se rendit odieux par son orgueil : il ne paraissait plus en public qu’avec une garde nombreuse. Personne n’osait s’asseoir en sa présence, et rarement il faisait à quelqu’un l’honneur de se découvrir pour le saluer. Fier de ses succès, il défiait tout haut Charles-Quint de lui disputer le Pérou ; et, doublement imprudent, comptait trop sur ceux qu’il avait à ses ordres, et les ménageait trop peu.

Cependant la cour, informée des troubles du Nouveau Monde, avait dépêché un nouveau commissaire pour régler et pacifier tout. C’était la Gasca, conseiller de l’inquisition, nommé président de l’audience royale du Pérou, chargé de lettres qui ordonnaient à Pi-