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Cusco, lui et son frère Gonzale, il les avait épargnés tous les deux, contre l’avis de son armée qui demandait leur mort. Ses reproches et ses prières ne fléchirent point le vainqueur. La perte d’un concurrent si redoutable parut nécessaire : on insulta même à la faiblesse qu’il eut de demander la vie, et Almagro n’eut que la honte inutile d’avoir démenti à ses derniers momens le courage qu’il avait toujours signalé.

C’était un aventurier d’une naissance obscure comme les Pizarre, sans éducation, sans vertus, qui ne dut sa fortune qu’à son audace, et que l’ambition éleva aux grandeurs et conduisit à l’échafaud.

Son fils, élevé par un gentilhomme espagnol nommé Herrada, ennemi des Pizarre, ne s’occupa que des projets de vengeance ; il saisit le moment où Fernand Pizarre était allé en Espagne, et Gonzale dans le pays de Canela ; et, de concert avec les amis et les partisans d’Almagro, qu’on appelait les voyageurs du Chili, parce qu’ils l’avaient suivi dans cette contrée, il conçut l’étrange projet d’assassiner le vice-roi du Pérou en plein jour, au milieu de son palais de Cusco. Herrada était à la tête de la conspiration, qui n’eût jamais pu réussir, si le marquis, aussi aveuglé par la confiance que ses ennemis l’étaient par la fureur, n’eût méprisé tous les avis qu’on lui donnait, et dédaigné toutes les précautions. Le jour de Saint-Jean, au mois de juin 1541,