Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les sujets de ce malheureux prince, le voyant au pouvoir des Espagnols, ne pensèrent plus qu’à se mettre à couvert par la fuite. Elle ne fut pas assez prompte pour les dérober à la fureur de leurs ennemis. Il y en eut plus de trois mille cinq cents passés au fil de l’épée. Des enfans, des vieillards, des femmes, que la curiosité avait attirés à ce spectacle, furent étouffés, au nombre de plus de quinze cents, par la foule des fuyards. Près de trois mille furent écrasés sous les ruines d’une vieille muraille qui se renversa sur eux. Cette boucherie dura jusqu’à la fin du jour. Le commandant de l’arrière-garde, nommé Ruminagui, entendant le bruit, et voyant un Espagnol précipiter d’un lieu élevé un Péruvien qu’on y avait mis pour avertir lorsqu’il serait temps d’avancer, conclut que son maître était défait ; et, loin de marcher à son secours, il prit, avec le corps qu’il commandait, la route de Quito, qui était à plus de deux cent cinquante lieues du champ de bataille.

Tel est le récit de Garcilasso. On peut le soupçonner de favoriser les Péruviens ses compatriotes. Il contredit évidemment le récit de Zarate, historien espagnol, qui assure qu’Atahualpa avait pris ses mesures pour faire envelopper les Espagnols à un certain signal, et les exterminer tous. Entre ces deux versions si déférentes, rapportons en une qui n’est suspecte d’aucune partialité : c’est celle de Jérôme Benzoni, Milanais, qui, voyageant