Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 14.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dispenser d’en admettre quelques-uns, tous les supérieurs étaient envoyés d’Espagne. Cependant, peu d’années avant les observations de Gage, les créoles avaient pris l’ascendant dans plusieurs provinces, et s’étaient tellement multipliés, qu’ils avaient refusé de recevoir les religieux qui venaient de l’Europe. Dans la province du Mexique, qui a des jacobins, des augustins, des cordeliers, des carmes, des pères de la Merci et des jésuites, il n’y avait que les jésuites et les carmes qui eussent conservé la supériorité aux Européens, en faisant venir annuellement d’Espagne deux ou trois recrues de leur ordre. La dernière que Gage vit arriver pour les religieux de la Merci vécut en si mauvaise intelligence avec les créoles, qu’à l’élection de leur provincial commun ils en vinrent aux mains, prêts à s’entre-tuer, si le vice-roi ne se fût rendu à leur assemblée, et n’en eût mis quelques-uns aux fers. Les créoles l’emportèrent à la fin par la pluralité des suffrages, et jusqu’à présent ils ont rejeté tout ce qui leur est venu d’Espagne, sous prétexte que, ne manquant point de sujets de leur nation, ils n’ont pas besoin de secours étrangers. On les laisse paisibles dans la possession de cette liberté, parce qu’avec beaucoup de soumission pour le pape, ils envoient à Rome autant de présens que les Espagnols. »

En supposant ces récits exagérés, on peut encore en conclure que, dans une si grande