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dans ceux-ci du chagrin qu’ils ressentent de se voir exclus de toutes sortes d’emplois : il est inouï qu’on prenne parmi eux des gouverneurs et des juges. Quoiqu’il s’y trouve des Cortez, des Gironne, des Alvarado, des Gusman, c’est-à-dire des familles réellement descendues de tous ces grands capitaines, ils sont regardés des Espagnols européens comme à demi-barbares, et incapables des soins du gouvernement. D’un autre côté, ceux qui arrivent d’Espagne ne reconnaissant point leurs usages et leurs goûts dans les créoles, s’attachent de plus en plus à cette opinion, et persistent non-seulement à les éloigner de toutes les charges publiques, mais à redouter leur nombre, qui peut faire appréhender qu’avec de justes sujets de ressentiment ils ne tentent un jour de secouer le joug. Gage est persuadé que tôt ou tard cette division suffira pour faire perdre un si belle conquête à l’Espagne. Il est aussi aisé, dit-il, de soulever les créoles que les Américains ; il leur a souvent entendu dire qu’ils aimeraient mieux se voir soumis à tout autre pouvoir qu’à celui de l’Espagne.

» Ce mépris de tout ce qui n’est pas venu d’Espagne s’est répandu jusqu’à l’Église : rarement un créole est pourvu d’un canonicat, et bien moins d’un évêché. Dans les couvens même on s’est long-temps efforcé d’abaisser les créoles qu’on y avait reçus, de peur que, par le mérite ou le nombre, ils ne l’emportassent sur les Espagnols. Quoiqu’on ne pût se