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pés, le chagrin en fit périr un grand nombre, et d’autres formèrent des entreprises incroyables pour se dérober à leurs tyrans. Un navire espagnol en rencontra plusieurs à cinquante lieues en mer, sur un tronc d’arbre autour duquel ils avaient attachés des calebasses remplies d’eau douce. Ils touchaient presqu’à leur île, mais on ne manqua pas de les faire rentrer dans l’esclavage. La violence qui fut employée après la ruse rendit en peu d’années les Lucayes absolument désertes.

Jean Ponce, qui commandait à Salvaléon, ville nouvelle d’Espagnola, qu’Ovando avait fait bâtir sur le bord de la mer, à vingt-huit lieues de San-Domingo, ayant appris de quelques Américains qu’il y avait beaucoup d’or dans l’île de Boriquen, que Christophe Colomb avait nommé Saint-Jean, et qui a pris ensuite le nom de Portoric, obtint du gouverneur général la permission de la visiter. Il se mit dans une caravelle, que ses guides firent aborder sur la côte d’une terre dont le seigneur, nommé Agueynaba, était le plus riche et le plus puissant de l’île ; il y fut reçu avec la plus sainte preuve de l’amitié des Américains, qui consistait à prendre le nom de ceux qu’ils voulaient honorer singulièrement. Ainsi le cacique se fit nommer, dès le premier jour, Jean Ponce Agueynaba. Il conduisit son hôte dans toutes les parties de l’île, et sur les bords des deux rivières nommées Manatuabon et Cabuco, dont le sable était mêlé de beaucoup d’or.