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du fleuve, que Grijalva ne put résister à l’envie d’y pénétrer : mais, n’ayant trouvé de fond que pour les deux plus petits de ses bâtimens, il y fit passer tout ce qu’il avait de gens de guerre, et laissa ses deux autres vaisseaux à l’ancre avec la plus grande partie de ses matelots. À peine fut-il engagé dans le fleuve, dont il eut beaucoup de peine à surmonter le courant, qu’il aperçut un grand nombre de canots remplis d’hommes armés, et plusieurs autres troupes sur la rive, qui paraissaient également résolues de lui fermer le passage et de s’opposer à sa descente. Leurs cris et leurs menaces effrayèrent si peu les Espagnols, qu’ils ne s’avancèrent pas moins jusqu’à la portée du trait. Grijalva leur avait recommandé le bon ordre, et surtout de ne faire aucun mouvement qui ne parût annoncer la paix. Les Américains, de leur côté, furent si frappés de la fabrique des vaisseaux étrangers, de la figure et des habits de ceux qui les conduisaient, et de leur belle ordonnance, autant que de l’intrépidité avec laquelle ils les voyaient avancer, que, dans leur première surprise, cette vue les rendit comme immobiles. Le général castillan saisit ce moment pour sauter à terre ; il y fut suivi de tous ses gens, dont il forma aussitôt un bataillon. Tandis que cette action semblait augmenter l’étonnement des Américains, il leur envoya Julien et Melchior, deux jeunes gens qui avaient été pris dans l’expédition d’Hernandez de Cordoue, et dont la langue