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étant mariés, refusèrent de faire venir leurs femmes, et d’obliger les autres, sous la même peine, d’épouser leurs maîtresses ou de s’en défaire. Comme ceux-ci embrassèrent presque tous le premier de ces deux partis, on peut dire que les trois quarts des Espagnols qui composent aujourd’hui cette colonie, sont descendus de ces anciens mariages. En 1507, il n’y restait déjà plus que soixante mille indigènes, c’est-à-dire la vingtième partie de ce qu’on y en avait trouvé dans l’origine de l’établissement. Ce nombre ne suffisant point pour tous les services auxquels ils étaient employés, Ovando résolut d’y transporter les habitans des îles Lucayes, qui avaient été découvertes dans le premier voyage de Christophe Colomb. Il fit goûter cette proposition à la cour, sous prétexte de procurer les lumières de la religion à des peuples auxquels on ne pouvait fournir un assez grand nombre de missionnaires, et Ferdinand donna dans le piége. La permission ne fut pas plus tôt publiée, que plusieurs particuliers, ayant équipé des bâtimens à leurs frais pour aller faire des recrues aux Lucayes, mirent toutes sortes de fourberies pour engager ces insulaires à les suivre. La plupart les assurèrent qu’ils venaient d’une région délicieuse où étaient les âmes des premiers parens des Américains, qui les invitaient à venir partager leur bonheur. Ces artifices en séduisirent plus de quarante mille ; mais, lorsqu’en arrivant à Espagnola, ils reconnurent qu’on les avait trom-