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par la nature, comme le révérend évêque veut le faire entendre. J’en conclus, sire, qu’il est de la dernière importance pour votre majesté d’y mettre ordre au commencement de son règne. »

Après Las Casas, le missionnaire franciscain reçut ordre de parler à son tour. Il le fit dans ces termes : « Sire, je reçus ordre de passer à Espagnola, où je demeurai quelques années : on m’y donna la commission de faire le dénombrement des Indiens. Il y en avait alors quantité de milliers. Quelque temps après, je fus encore chargé du même ordre, et je trouvai ce nombre extrêmement diminué. Si le sang d’Abel, c’est-à-dire celui d’un seul mort injustement répandu, a crié vengeance et l’a obtenue du ciel, Dieu sera-t-il sourd au cri de ce déluge de sang qu’on ne cesse pas de répandre ? Je conjure donc votre majesté, par le sang de Notre-Seigneur et par les plaies du grand saint dont je porte l’habit, d’apporter un prompt remède à des maux, qui ne manqueraient pas d’attirer sur votre couronne l’indignation et les rigoureux châtiment du souverain maître des rois. »

Don Diègue Colomb eut ordre ensuite de donner son avis : il fut le même. Charles fut ému, et l’on ne peut douter que des lois plus humaines portées pour le traitement des Américains n’aient été la suite de ce fameux conseil ; mais alors la question ne fut point résolue. On avait fait naître une nouvelle difficulté ;