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l’avantage de votre majesté auquel il n’ait la première part ; aussi le prends-je à témoin que je renonce à toutes sortes de faveurs et de récompenses temporelles ; et si jamais j’en accepte, ou moi-même, ou par quelqu’un qui les reçoive en mon nom, je veux être regardé comme un imposteur et un faussaire qui aurait trompé son Dieu et son roi. Apprenez donc, sire, que les naturels du Nouveau-Monde sont capables de recevoir la foi, de prendre de bonnes habitudes, et d’exercer les actes de toutes les vertus ; mais c’est par la raison et les bons exemples qu’ils y doivent être excités, et non par la violence ; car ils sont naturellement libres : ils ont leurs rois et leurs seigneurs naturels, qui les gouvernent suivant leurs usages. À l’égard de ce qu’a dit le révérend évêque, qu’il sont nés pour la servitude, suivant l’autorité d’Aristote, sur laquelle il paraît qu’il se fonde, il y a autant de distance de la vérité à cette proposition que du ciel à la terre. Quand le philosophe aurait été de cette opinion, comme le révérend évêque l’affirme, c’était un gentil qui brûle maintenant dans les enfers, et dont la doctrine ne doit être admise qu’autant qu’elle s’accorde avec celle de l’Évangile. Notre sainte religion, sire, ne fait acception de personne ; elle se communique à toutes les nations du monde ; elle les reçoit toutes sans distinction ; elle n’ôte à aucune sa liberté ni ses rois ; elle ne réduit pas un peuple à l’esclavage sous prétexte qu’il y est condamné