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le roi. Cependant, comme il était question de donner son avis sur la conduite qu’on devait tenir à l’égard des Américains, il ajouta que tous ceux qu’il avait vus, soit dans le pays qu’il venait d’habiter, soit dans les autres lieux où il avait passé, lui avaient paru nés pour la servitude ; qu’ils étaient naturellement pervers, et que son sentiment était de ne les pas abandonner à eux-mêmes, mais de les diviser par bandes, et de les mettre sous la discipline des plus vertueux Espagnols, sans quoi l’on n’en ferait jamais des chrétiens, ni même des hommes.

Lorsque l’évêque eut cessé de parler, Las Casas reçut ordre d’expliquer ses idées. Herréra le fait parler en ces termes :

« Très-haut, très-puissant roi et seigneur, je suis un des premiers Castillans qui aient fait le voyage du Nouveau-Monde. J’y ai vécu long-temps, et j’ai vu de mes propres yeux ce que la plupart ne rapportent que sur le témoignage d’autrui. Mon père est mort dans le même pays, après y avoir vécu, comme moi, dès l’origine des découvertes. Sans m’attribuer l’honneur d’être meilleur chrétien qu’un autre, je me suis senti porté, par un mouvement de compassion naturelle, à repasser en Espagne, pour informer le roi votre aïeul des excès qui se commettaient dans les Indes. Je le trouvai à Placentia, il voulut bien m’écouter : et, dans le dessein d’y apporter du remède, il remit l’explication de ses ordres à Séville ; mais la mort l’ayant surpris en chemin, sa volonté