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plus d’être remarqué dans l’histoire des contradictions de l’esprit humain. L’idée de Las Casas, quoique adoptée dès lors, ne put avoir lieu, parce qu’un seigneur flamand, chargé d’un privilége en vertu duquel il devait faire transporter quatre mille nègres aux Antilles, le vendit aux Génois, qui mirent leurs nègres à un prix trop haut pour la cupidité des possesseurs espagnols, qui avaient des travailleurs américains à si bon marché. Ces difficultés firent évanouir le projet de Las Casas. Il en conçut un autre qui marquait bien quelle confiance il avait au pouvoir de la persuasion et au bon naturel des Américains. Il offrait au roi d’Espagne de lui assurer, dans un terme donné, la domination du continent de l’Amérique, pourvu qu’on n’y laissât passer qui que ce soit sans sa permission. Il voulait arriver avec cent cinquante hommes, habillés de blanc, et sous un autre nom que celui des Espagnols, devenus trop odieux dans le Nouveau-Monde, et avec ce petit nombre, et une conduite opposée à celle des premiers conquérans de l’Amérique, il prétendait qu’en peu d’années il tirerait de ce pays le même tribut que le roi d’Espagne en recevait, et qu’il y ferait fleurir la foi, la paix et le bonheur. Il fallait que ce vertueux prêtre eût le talent de persuader ; car ce projet, quoique peu fait pour réussir, fut goûté de beaucoup de personnes considérables, et même du roi. On permit à Las Casas d’essayer sa mission poli-