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pables de résister aux flots, et celle de les conduire entre quantité de petites îles jusqu’à la pointe d’une plus grande, où ils ne les amarrèrent pas moins habilement aux arbres et aux rochers : la nuit, qui survint avant le retour du beau temps, prépara aux Castillans une scène encore plus effrayante : les eaux ayant cru jusqu’au jour, l’île se trouva tout inondée, sans qu’on aperçût aucun reste de terre ; et, comme on avait passé la nuit sur les rochers, ceux qui visitèrent les canots furent consternés d’en trouver une partie en pièces, et d’autres entr’ouverts ou remplis de sable et d’eau : le bagage et les vivres avaient été emportés par la violence des flots : on n’eut pas d’autre ressource, dans un si grand péril, que d’arracher l’écorce des arbres, et de la mâcher avec des herbes pour s’en servir à boucher les fentes des canots qui n’étaient pas absolument brisés, et l’on entreprit de gagner la terre sur de si frêles bâtimens, en suivant les Américains qui les précédaient à la nage. Balboa, aussi pressé de la faim que tous les autres, avait recommandé à ses guides d’aborder dans la terre d’un cacique nommé Tomaco, dont ils lui avaient vanté l’opulence ; mais, voyant les habitans disposés à lui résister, il se mit à la tête de ses plus braves gens, avec ses chiens qui n’étaient pas moins affamés qu’eux, et dans sa descente il fit un carnage effroyable de ses ennemis ; le cacique même y fut blessé ; et, pendant quelques jours, cette disgrâce ne parut servir qu’à redoubler