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les rois ses maîtres, du pays qui l’environnait, et de la mer qu’il venait de découvrir. Le même jour, après avoir fait élever de gros murs de pierre, planter des croix, et graver le nom de Ferdinand sur l’écorce des plus grands arbres, il entra dans la mer jusqu’à la ceinture, l’épée dans une main et le bouclier dans l’autre, et adressant la parole aux Castillans et aux Américains qui bordaient le rivage : « Vous êtes témoins, leur dit-il, que je prends possession de cette partie du monde pour la couronne de Castille ; et je saurai bien lui en conserver le domaine avec cette épée. » On est tenté, je l’avoue, de sourire de pitié lorsqu’on entend une aussi faible créature que l’homme dire qu’il prend possession de l’Océan : comme si l’on avait un empire réel sur cet élément à jamais indocile, qui se joue si furieusement de ses prétendus dominateurs ; enfin, comme si l’Océan pouvait avoir d’autre maître que celui qui le fait rouler dans ses limites, et qui lui a dit : Tu t’arrêteras ici.

Balboa, ayant soumis quelques caciques voisins, embarqua tous ses gens sur neuf canots pour s’avancer sur les côtes du golfe où il était, et qu’il avait nommé Saint-Michel ; mais à peine eut-il quitté le rivage, qu’une furieuse tempête le jeta dans le plus grand péril qu’il eût jamais essuyé : les Américains mêmes en parurent épouvantés ; mais, comme ils excellaient à nager, ils eurent l’adresse d’attacher les canots deux à deux avec des cordes, pour les rendre plus ca-