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plus de droit de leur faire porter des habits que de leur donner des fers. « L’oisivété est leur souverain bien. » Pourquoi voulez-vous le leur arracher ? À quel titre leur commandez-vous le travail ? Si l’influence d’un climat brûlant leur fait du repos une nécessité, s’ils sont heureux du plaisir d’être ; tyrans du monde, qui promenez partout une activité funeste aux autres et à vous-mêmes, de quel droit tourmentez-vous leurs jours qui sans vous seraient tranquilles ? L’homme innocent couché sur sa natte serait-il moins agréable aux yeux du grand Être que l’homme ambitieux porté sur des vaisseaux au-delà des mers ? Montesino prouva qu’on exagérait les défauts et les vices des Américains, et qu’on les calomniait après les avoir égorgés. Il parla avec tant de force, que le roi, également pressé par sa conscience et par le testament de la reine Isabelle, voulut qu’on accordât quelque chose à l’équité. On régla, par provision, que les Américains seraient réputés libres, mais que les départemens continueraient de subsister dans la même forme. C’était reconnaître le droit de ces peuples à la liberté, et les retenir en même temps dans l’esclavage. Comme les bêtes de charge s’étaient extrêmement multipliées dans Espagnola, il fut expressément défendu de faire porter aux insulaires aucun fardeau, et de se servir du bâton ou du fouet pour les punir. Il fut ordonné aussi qu’on nommerait des visiteurs ou des intendans, qui seraient comme