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prirent le parti d’en écrire au roi. D’un autre côté, les dominicains firent partir le père Montesino pour plaider sa propre cause auprès du souverain. Il trouva la cour fort prévenue contre lui ; mais, quelque répugnance qu’il eût à s’y présenter, après avoir hésité deux ou trois fois, son zèle lui fit traverser la garde du palais, et le conduisit jusqu’aux pieds du roi. Il en fut reçu avec bonté. Il n’eut pas de peine à faire comprendre, à ce prince qu’on lui avait déguisé la vérité. Cependant il n’en put obtenir que des ordres pour l’assemblée d’un conseil extraordinaire, où cette grande affaire fut plaidée de part et d’autre avec beaucoup de chaleur. On peut dire que c’était le procès de l’humanité contre la tyrannie : aussi la première ne gagna pas sa cause. C’est une chose curieuse que les raisons alléguées par ceux qui justifiaient l’esclavage où l’on tenait les Américains. « Ce sont des enfans, disaient-ils, qui, à cinquante ans, ont l’esprit moins avancé que les Européens ne l’ont à dix. » Ce sont des enfans ! instruisez-les. Ils sont faibles ! protégez-les. Depuis quand le sentiment de la supériorité est-il l’excuse de la violence ? Ce n’est qu’une raison pour être généreux : « Mais ils vont nus, et quand on les a vêtus, ils déchirent leurs habits. » (On répète ici littéralement ce qui fut allégué.) Quoi ! la nature ne leur a pas fait un besoin du vêtement, et vous leur en faites un supplice ! et vous vous indignez qu’ils s’y dérobent ! Vous n’ayez pas