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le corps d’un Américain tué dans quelque rencontre, et déjà presque en pourriture, le mangèrent avidement, et moururent tous de cet horrible festin. Enfin, Nicuessa désespérant de pouvoir s’établir au milieu d’un peuple si peu docile, laissa une partie de ses gens dans la rivière de Belem, sous les ordres d’Alphonse Nugnez, et, conduit par un matelot qui avait été du dernier voyage de Christophe Colomb, il se rendit avec les autres à Porto-Bello. Il y trouva le rivage couvert d’une multitude infinie d’Américains, qui, armés de zagaies, lui tuèrent vingt hommes. Ce cruel accueil le mit dans la nécessité d’avancer six ou sept lieues plus loin, jusqu’au port qui avait reçu de Colomb le nom de Bastimentos. Il y jeta l’ancre, en disant dans sa langue : Arrêtons-nous ici, au nom de Dieu ; et, le trouvant commode pour s’y établir, il y jeta aussitôt les fondemens de la fameuse ville que cette circonstance a fait nommer Nombre de Dios, nom de Dieu.

Les habitans ne s’opposèrent pas au travail ; mais le pays n’offrait point d’alimens. Aussi la famine y redevint-elle extrême, et les maladies, qui s’y joignirent bientôt, enlevèrent les trois quarts de la nouvelle colonie. Les autres étaient si faibles, qu’ils ne pouvaient soutenir leurs armes. Il fallait néanmoins presser l’ouvrage pour se mettre en sûreté contre les sauvages, dont on craignait à tous momens d’être attaqué. Le général s’empressa de donner l’exemple ; mais il ne put éviter les murmures et les