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par la facilité qu’il eut à leur donner des vivres, il continua d’employer la même adresse pour faire entrer les deux autres factions dans les intérêts de son ami. Il leur représenta d’ailleurs l’avantage qui reviendrait à la colonie de joindre ses forces à celles de Nicuessa, qu’il supposait heureusement établi ; et ce motif fit tant d’impression sur ceux qui paraissaient encore incertains, qu’ils s’accordèrent tous à le charger de cette commission.

Nicuessa était parti d’Espagnola vers la fin de l’année précédente, avec cinq bâtimens de différentes grandeurs, et chargés de toutes les provisions qui convenaient à son entreprise : une tempête les avait presque aussitôt dispersés. Lope d’Olano, son lieutenant, l’avait quitté pendant la nuit, sous prétexte qu’il lui était impossible de tenir la mer, et s’étant joint au gros de l’escadre qui était entrée dans la rivière de Châgre, il s’en était fait reconnaître le chef, dans la fausse supposition que la caravelle du commandant avait été submergée ; mais n’ayant pu se garantir de la misère qui fit périr quantité de ses gens, il avait formé le dessein de retourner à Espagnola.

Nicuessa, jeté seul sur une côte inconnue, y perdit en effet sa caravelle, et se vit forcé de chercher par terre Véragua, qui était le rendez-vous général. Dans cette marche, un très-grand nombre d’Espagnols périrent de misère ou par les mains des sauvages ; d’autres abandonnèrent leur chef, sans suivre de route certaine, et souf-