Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec autant de précipitation que de frayeur parce que, le bruit de leur commission ayant soulevé le peuple, ils se crurent menacés de n’être pas à couvert malgré la dignité de leur caractère. Comment ne pas reconnaître encore en cette occasion et les vertus de ces peuples, et le bonheur de Cortez ? Qui peut douter que, si les Tlascalans eussent écouté les avis de cette politique si commune chez les autres peuples, de ne pas laisser échapper l’instant d’accabler un ennemi redoutable, les Espagnols n’eussent été hors d’état de résister aux deux nations réunies ?

Cependant le jeune Xicotencatl, emporté par le torrent des opinions, n’avait osé déclarer la sienne au sénat ; mais, dans les mouvemens de haine qu’il conservait contre les Espagnols, il ne put s’empêcher de répandre lourdement que le sénat avait oublié les véritables intérêts de la patrie en rejetant les offres de l’empereur, et qu’il fallait s’aveugler pour ne pas reconnaître que le dessein des Espagnols était de renverser la religion et la forme du gouvernement. Ces insinuations n’étaient pas sans vraisemblance : aussi commençaient-elles à lui faire des partisans, lorsqu’elles vinrent à la connaissance de Cortez. Il en fit des plaintes au sénat ; l’affaire y fut traitée avec toutes les précautions qu’elle méritait par son importance. Il était impossible que la plupart des sénateurs ne reconnussent point le danger dont la république était réellement menacée ; et