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promesses et l’autorité pour les engager à le suivre ; mais ils ne furent pas long-temps sans voir toutes leurs craintes vérifiées. En entrant dans le golfe d’Uraba, le navire d’Enciso toucha si rudement contre la pointe orientale, qu’il fut brisé en un instant, et qu’on eut à peine le temps de sauver les hommes avec une fort petite partie des provisions : ainsi la colonie se trouva réduite en peu de jours à vivre de bourgeons de palmiers. Pour comble de disgrâce, les habitans avaient réduit en cendres la forteresse et toutes les maisons. Un assez grand nombre de porcs du pays, qui descendirent des montagnes, furent pendant quelques jours une ressource pour les Castillans ; mais lorsqu’elle fut épuisée, il ne leur resta plus d’espérance que dans la guerre. Enciso partit pour chercher des vivres à la tête de cent hommes bien armés. Il n’alla pas loin : trois Américains l’arrêtèrent avec autant de gloire pour eux que de perte et d’humiliation pour les Espagnols ; ils eurent l’audace de venir à lui l’arc bandé ; et, tirant leurs flèches avec une vitesse étonnante, ils eurent vidé leurs carquois avant que leurs ennemis se fussent reconnus. Enciso, blessé comme la plupart de ses soldats, n’eut pas même la satisfaction d’arrêter ces trois braves qui s’enfuirent après lui avoir ôté le pouvoir d’avancer. Son retour, dans ce triste état, fut le sujet d’un nouveau désespoir pour la colonie : on ne parlait que d’abandonner cette fatale contrée, lorsqu’un