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visage un coup de pique qui lui creva l’œil, et qui le fit tomber sans connaissance. Le bruit se répandit qu’il était mort : ses gens s’effrayèrent ; les uns l’abandonnèrent par une honteuse fuite ; les autres cessèrent de combattre ; et ceux qui s’empressèrent de le secourir, ne faisant que s’embarrasser mutuellement, les vainqueurs prirent ce temps pour enlever Narvaëz, en le traînant au bas des degrés, d’où Sandoval le fit transporter au milieu du corps de réserve. Sa honte fut égale à sa douleur, lorsque, étant revenu à lui-même, il se trouva les fers aux pieds et aux mains, et qu’il se vit livré à la discrétion de ses ennemis.

On rapporte une circonstance singulière qui prouve combien la fortune tournait tout à l’avantage de Cortez. Des fenêtres de leur logement, les soldats de Narvaëz découvraient, à diverses distances et dans plusieurs endroits, des lumières qui perçaient l’obscurité avec l’apparence d’autant de mèches allumées, qu’ils prirent pour celles de plusieurs troupes d’arquebusiers : c’étaient des vers luisans qui sont beaucoup plus gros et plus brillans que les nôtres dans cet hémisphère, et qui leur firent croire que l’attaque de Cortez était soutenue par les habitans armés. L’artillerie qui fut tournée aussitôt contre les donjons, la menace du feu qu’on y pouvait mettre aisément, et le pardon qui fut offert à tous ceux qui voudraient s’enrôler sous les étendards du vainqueur, avec la liberté du départ et le passage