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quante mille hommes armés, et qu’il était déterminé à employer la force. Mais, comme il ne voulait rompre qu’à l’extrémité, sa joie fut si vive de voir le général disposé à le satisfaire, que, l’ayant embrassé avec transport, il lui protesta que son intention n’était point de précipiter le départ des Espagnols sans leur fournir ce qui était nécessaire à leur voyage, et qu’il allait donner des ordres pour la construction des vaisseaux. Il ajouta, dans cette effusion de cœur, avec une imprudence qui fit pénétrer ses motifs, qu’il lui suffisait, pour obéir à ses dieux et pour apaiser les plaintes de ses sujets, d’avoir déclaré qu’il faisait attention à leurs demandes. Ce langage fit juger combien la religion entrait dans sa politique. Cortez, informé en effet que les sacrificateurs avaient demandé son départ au nom des idoles avec d’horribles menaces, prit le parti d’apaiser l’orage par toutes les apparences d’une prompte soumission. Les ordres furent donnés pour rassembler les ouvriers sur la côte, et le départ des Espagnols fut publié. Montézuma nomma les bourgs qui devaient contribuer au travail, et les lieux où les bois devaient être coupés. Cortez fit partir aussi ses charpentiers avec ce qui lui restait de cordages et de fer. Il ne s’entretint en public que de l’ouvrage auquel il paraissait donner tous ses soins dans l’éloignement ; mais il avait chargé ceux qui en avaient la conduite, de faire naître des obstacles et des contre-temps ;