Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 13.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marques de respect qu’il rendait ordinairement à ce monarque ; ensuite, élevant la voix d’un ton fier, il lui déclara que son général et les autres coupables étaient condamnés à mourir après avoir confessé leur crime ; qu’ils l’en avaient chargé lui-même, en soutenant qu’ils ne l’avaient commis que par son ordre ; que des indices si violens l’obligeaient de se laver par quelque mortification personnelle ; qu’à la verité les souverains n’étaient pas soumis aux peines de la justice commune, mais qu’ils devaient reconnaître une justice supérieure qui avait droit sur leurs couronnes, et à laquelle ils devaient quelque satisfaction. Alors il commanda d’un air ferme et absolu qu’on lui mit les fers, et s’étant retiré sans lui laisser le temps de répondre, il donna ordre qu’on ne lui permit aucune communication avec ses ministres.

Un traitement si honteux jeta le malheureux Montézuma dans une si profonde consternation, que la force lui manqua également pour résister et pour se plaindre. Il fut long-temps dans cet état, comme un homme absolument hors de soi. Quelques-uns de ses domestiques qui étaient présens accompagnaient sa douleur de leurs larmes, sans avoir la hardiesse de parler. Ils se jetaient à ses pieds pour soutenir le poids de ses chaînes. Ils faisaient passer entre sa chair et le fer quelques morceaux d’une étoffe déliée, dans la crainte que ses bras et ses jambes ne fussent offensés. Lorsqu’il revint de cette espèce d’égarement,