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d’autre remède au désordre que l’offre d’aller lui-même à Espagnola pour hâter le secours qu’il en attendait, et d’ajouter que, s’ils ne paraissaient point dans l’espace de cinquante jours, ils seraient dégagés de l’obéissance qu’ils lui avaient jurée. Cette proposition ayant satisfait les plus mutins, il s’embarqua sur le navire génois, après avoir nommé, pour commander dans son absence, François Pizarre, qui se formait, dans une si rude école, à toutes les grandes entreprises auxquelles il était destiné par la fortune.

Aussitôt que le vaisseau fut en mer, Ojéda se crut en devoir d’agir en maître. Talavera, qui ne lui avait pas vendu son bâtiment, et qui conservait le même empire sur son équipage, commença par le mettre aux fers ; mais sa captivité dura peu. Talavera et tous ses gens sentirent le besoin qu’ils avaient d’un tel chef, lorsque, après avoir été fort maltraités par la tempête, ils eurent échoué sur la côte de Cuba ; la nécessité de résister aux attaques des insulaires qui se présentaient sans cesse lui fit déférer le commandement.

Dans un pays qu’il ne connaissait point, il ne vit pas d’autre ressource que de se rapprocher de la Jamaïque, où il espérait pouvoir se rendre aisément avec quelques canots qu’il comptait enlever aux Américains ; il suivit les côtes pendant l’espace de cent lieues, et le détail de ses peines est incroyable dans le récit des historiens. Un marais fort humide, qu’il