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avait coûté soixante et dix hommes aux Castillans ; c’était pour eux une perte considérable. Pendant qu’Ojéda s’abandonnait au regret d’avoir perdu tant de braves gens, surtout la Cosa, qu’il regardait comme le meilleur de ses amis, et dont il se reprochait amèrement d’avoir négligé les conseils, il aperçut au large plusieurs navires qui cherchaient à s’approcher de la côte ; c’était Nicuessa, dont l’arrivée imprévue lui causa d’autres inquiétudes. Les différens qu’il avait eus avec lui dans Espagnola lui firent appréhender que ce nouvel ennemi ne saisit l’occasion de se venger ; il pria ses gens de le laisser seul, et d’aller au-devant des vaisseaux qui paraissaient. Nicuessa ne fut pas peu surpris des tristes informations qu’il reçut ; mais, jugeant des alarmes d’Ojéda par les précautions avec lesquelles il entendait parler de lui, il protesta fort noblement qu’il s’en croyait offensé, et que, respectant l’infortune de son rival, il voulait oublier leurs anciennes querelles pour l’assister de toutes ses forces, et venger avec lui le sang espagnol indignement répandu par des barbares. Ojéda, qui fut instruit de cette déclaration, y prit confiance avec la même noblesse. On débarqua quatre cents hommes des deux escadres ; les deux gouverneurs se mirent à leur tête ; on marcha vers le village d’Yurbaco, où l’on ne douta point que l’orgueil de la victoire n’eût rassemblé les Américains, et l’ordre fut donné de les traiter sans pitié.