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ils s’assemblèrent, et le premier objet de leurs délibérations fut de s’éclaircir sur l’immortalité de ces cruels étrangers. Un cacique, nommé Brayau, fut chargé de cette commission. Les Espagnols étant accoutumés, dans leurs courses, à se loger familièrement chez les insulaires, un jeune homme, nommé Salcedo, passa chez Brayau, qui le reçut avec de grandes apparences d’amitié. Après s’être reposé quelques jours, il prit congé de son hôte, qui, le voyant chargé d’un paquet, l’obligea de prendre quelques habitans pour le porter et pour l’aider lui-même dans quelques passages difficiles. Salcedo arriva au bord d’une rivière qu’il fallait traverser. Un de ses guides, chargé des ordres secrets du cacique, se présenta pour le charger sur ses épaules ; et lorsqu’il fut au milieu de la rivière, il le laissa tomber. Les Américains qui le suivaient se joignirent à lui pour tenir long-temps l’Espagnol au fond de l’eau ; et le voyant enfin sans aucune marque de vie, ils tirèrent le corps sur la rive. Cependant, comme ils ne pouvaient encore se persuader qu’il fût mort, ils lui firent des excuses de lui avoir laissé avaler tant d’eau, en protestant que sa chute les avait beaucoup affligés, et qu’ils n’avaient pu faire plus de diligence pour le secourir. Leurs discours étaient accompagnés des plus grandes marques de douleur, pendant lesquels ils ne cessaient point de retourner le cadavre, et d’observer s’il donnait quelque signes de vie. Cette comédie dura trois jours,