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peintures qui composaient leurs annales, était le onzième de ces rois : quoique son père eût occupé le trône, il n’avait dû son élévation qu’à ses grandes qualités naturelles, qui avaient été soutenues long-temps par l’artifice ; mais, lorsqu’il s’était vu couronné, il avait laissé paraître tous ses vices, qu’il avait su déguiser. Il avait porté l’orgueil jusqu’à congédier tous les officiers de sa maison qui étaient d’une naissance commune, pour n’employer que la noblesse jusque dans les emplois les plus vils ; affectation également choquante pour les nobles, qui se trouvaient avilis par des fonctions indignes d’eux, et pour les familles populaires qui s’étaient vu fermer l’unique voie qu’elles avaient à la fortune. Il paraissait rarement à la vue de ses sujets, sans excepter ses ministres mêmes et ses domestiques, auxquels il ne se communiquait qu’avec beaucoup de réserve ; « faisant entrer ainsi, suivant l’expression de Solis, le chagrin de la solitude dans la composition de sa majesté. » Il avait inventé de nouvelles révérences et des cérémonies gênantes pour ceux qui approchaient de sa personne. Le respect lui paraissait une offense, s’il n’était poussé jusqu’à l’adoration ; et, dans la seule vue de faire éclater son pouvoir, il exerçait quelquefois d’horribles cruautés, dont on ne connaissait pas d’autre raison que son caprice ; il avait créé sans nécessité de nouveaux impôts, qui se levaient par tête, avec tant de rigueur, que ses moindres sujets, jusqu’aux