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qu’une voie d’eau est une disgrâce commune, qui pouvait être réparée sans retourner à l’île, que le temps nécessaire pour le radoub du vaisseau ne l’était pas moins pour l’arrivée du prisonnier, que cet homme savait assez les différentes langues du continent pour servir d’interprète au général, et qu’il devint en effet un des principaux instrumens de la conquête du Mexique, on conviendra que la fortune commençait de bonne heure à se déclarer pour Cortez.

Ce malheureux inconnu ne paraissait pas différent des Américains. Il était nu comme eux, et basané, avec des cheveux tressés autour de la tête : il portait sa rame sur l’épaule, un arc à la main, un bouclier et des flèches sur le dos, une sorte de rets en forme de sac, dans lequel était sa provision de vivres, et une paire d’heures qu’il avait toujours conservée pour ses exercices de religion. Il demanda d’abord quel jour il était avec un embarras qu’on devait attribuer à l’excès de sa joie, mais qu’on reconnut bientôt pour véritable oubli de sa langue naturelle. Il ne pouvait tenir un discours suivi sans y mêler quelques mots américains qu’on n’entendait pas. Cortez, après l’avoir embrassé, le couvrit lui-même du manteau qu’il portait. On apprit de lui par degrés qu’il se nommait Jérôme d’Aguilar, qu’il était d’Écija, ville d’Andalousie, et d’une naissance qui lui avait procuré tous les avantages de l’éducation. Il était passé en Amérique, et, se trouvant dans la colonie du Da-