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chante, disent-ils, comme un diacre. Quelquefois ils donnent à un homme le nom de la chose qu’il fait le mieux ou le plus. Par exemple, ils appelèrent un lieutenant-colonel qui avait fait prendre plusieurs Kamtchadales, itahzachak, celui qui prend.

Mais si les sauvages dénaturent ou défigurent les idées et les noms des Russes, ceux-ci le leur rendent avec usure. « On doit remarquer, dit Kracheninnikov, que nous n’appelons aucune de ces nations par son propre nom, et que nous nous servons le plus souvent de celui qui lui est donné par ses voisins, qui avaient été auparavant soumis par les Russes. » Ceux-ci ont tiré le nom de Kamtchadales, du mot koriak kontchala, qui vient de kontch ai ; et le nom de Kouriles, du mot kamtchadale kouchi. On voit combien ces noms étrangers se dénaturent encore dans la bouche des Russes, qui veulent les adapter à leur prononciation et au génie de leur langue. Ainsi, quand du mot ooutou, qui signifie canard, ils ont fait le mot ooutka, on sent combien une terminaison étrangère écarte tout à coup un mot de sa forme primitive. Comme les Kamtchadales appellent un prêtre russe bogbog, parce qu’il répète souvent le mot bog, de même les Cosaques appelèrent Koriak un peuple qui prononçait souvent le mot kora, qui signifie renne. Il était naturel d’appeler nation à rennes celle qui met sa richesse et son bonheur dans ses troupeaux de rennes.