Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étrange singularité. Il me dit qu’un jour, dans un temps qu’il avait tout le corps couvert de pustules, il avait trouvé sa grande pierre sur le bord d’une rivière ; qu’ayant voulu la prendre, elle avait soufflé sur lui, comme aurait pu faire un homme ; et que, de peur, il l’avait jetée dans la rivière. Dès ce moment son mal empira, jusqu’à ce qu’au bout d’un an, ayant recherché sa pierre dans l’endroit où il l’avait jetée, il fut étonné de la retrouver à quelque distance de ce lieu même, sur une grande pierre plate, avec une autre petite à côté. Il prit les deux qui étaient ensemble, les porta dans son habitation, les habilla ; et bientôt après sa maladie cessa. Depuis ce temps-là, dit-il, je porte toujours la petite pierre avec moi, soit à la chasse, soit en voyage, et j’aime ma femme de pierre plus que ma véritable épouse. »

Les femmes koriakes font téter leurs enfans deux ou trois ans, et les accoutument ensuite à la viande. Dès l’âge le plus tendre, on les exerce à la fatigue, au travail. Ils vont chercher du bois et de l’eau fort loin ; ils portent des fardeaux, ils gardent les rennes. Les enfans des gens riches, dès qu’ils naissent, ont quelques-uns de ces animaux qu’on leur destine pour héritage ; mais ils n’en jouissent pas ayant l’âge mûr. Les rennes les plus chéris accompagnent leur maître au tombeau, c’est-à-dire au bûcher ; et tandis qu’on brûle le cadavre du mort, avec ses armes et les ustensiles dont il se servait, on égorge ses rennes d’apanage, pour en manger la chair, et