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pauvreté que produit l’indépendance, que la vertu rend respectable, et qui éleva si fort les premiers Romains au-dessus des antres hommes. On ne trouve chez le commun des Japonais que le pur nécessaire ; mais tout y est d’une propreté charmante, et leur visage respire un contentement parfait et un souverain mépris du superflu. Toutes les richesses de ce puissant état sont entre les mains des princes et des grands, qui savent s’en faire honneur. La magnificence ne va nulle part plus loin ; et l’histoire des plus opulentes monarchies n’offre rien en ce genre qui soit au-dessus de ce qu’on voit au Japon. Ce qu’il y a de plus merveilleux, est que le peuple n’en conçoit point d’envie. S’il arrive même qu’un seigneur, par quelque accident funeste, ou pour s’être attiré la disgrâce du prince, tombe dans l’indigence, il n’en est ni moins fier, ni moins respecté que dans sa plus brillante fortune, et sa misère ne le portera point à se mésallier. Le point d’honneur est également vif dans toutes les conditions. Un homme de la lie du peuple s’offense de quelques termes un peu moins mesurés, de la part même d’un seigneur, et se croit en droit de faire éclater son ressentiment, d’où il arrive que chacun est sur ses gardes, et que le respect est mutuel dans toutes les conditions. Il en est de même de la grandeur d’âme, de la force d’esprit, de la noblesse des sentimens, du zèle pour la patrie, du mépris pour la vie, et d’une certaine audace que tout Japonais porte sur