Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

profond, et près de se noyer ; ses camarades le voyant en danger, trois ou quatre d’entre eux se jetèrent à l’eau et le sauvèrent. Nous ne nous sommes jamais aperçus qu’ils nous aient volé la moindre chose. Leur probité est connue partout ; aussi n’exige-t-on d’eux aucun serment ; ils n’en connaissent pas même l’usage : mais, lorsqu’ils ont frappé dans la main, en promettant quelque chose, on peut être plus sûr de leur foi que de tous les sermens de la plupart des chrétiens. Ils sont de plus très-religieux ; je ne les ai jamais vus manger sans avoir fait leur prière à Dieu avant et après le repas. Ils ne levaient jamais la voile sans demander à Dieu, par des exclamations en leur langue, sa bénédiction pour notre voyage.

» Ces Tartares sont presque tous maigres, secs, fort bruns, et ont les cheveux noirs : ils sont grands mangeurs, et quand ils ont des provisions, ils mangent quatre fois le jour : leur mets ordinaire est de l’orge qu’ils font un peu griller, et qu’ils appellent kourmatsch ; ils la mangent ainsi presque crue, ou, quand ils veulent se régaler, ils la font griller encore une fois avec un peu de beurre. De toutes les viandes, celle qu’ils aiment le mieux est la chair de poulain. Ils furent obligés avec nous de se contenter de ce que nous pouvions leur donner ; mais ils n’étaient point délicats. Je les ai souvent vus mettre sur le feu des morceaux de viande toute pourie qu’ils mangeaient de très-bon appétit.