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teur. Il y a partout des traces de l’influence salutaire et nuisible des deux élémens les plus utiles et les plus dangereux, l’eau et le feu. Ce sont les deux principes les plus sensibles de la génération, les deux agens les plus universels de la destruction. On aura cru qu’ils pouvaient tout, et que seuls ils faisaient tout. Le mouvement qui leur est essentiel, et dont la source est, ce me semble, en eux-mêmes, aura contribué à les faire craindre et adorer. Les sens du vulgaire, le raisonnement des philosophes ; tout aura conduit l’homme à ce culte. Il ne faut pour cela ni traditions, ni révolutions. Mais ces deux choses peuvent augmenter l’effet naturel de la crainte, qui est le penchant à la superstition. Dès lors le culte doit être plus frappant, plus solennel, et se ressentir vivement des idées de désolation qui se sont mêlées à la passion la plus forte des hommes. Au reste, le Kamtchatka est trop voisin de la mer, trop sujet aux attaques de cet élément pour ne pas inspirer à ses habitans une frayeur religieuse des maux qu’il peut leur faire, et une opinion vague, soit conçue ou transmise, de ceux qu’il leur a faits. Mais on ne doit pas se hâter de prononcer sur le culte d’un peuple sans avoir entendu ses dogmes ; rien n’est plus incertain que d’en juger par ses cérémonies. Les hommes sont si enclins et si sujets à se tromper en matière de superstition, qu’on ne sait jamais bien ce qu’ils adorent : si c’est l’idole, ou l’offrande , ou