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dant que l’étranger mange, son hôte jette de l’eau sur des pierres rougies au feu pour augmenter la chaleur. Le convive mange et sue jusqu’à ce qu’il soit obligé de demander grâce à l’hôte, qui, de son côté, ne prend rien, et peut sortir de l’yourte quand il veut. Si l’honneur de l’un est de chauffer et de régaler, celui de l’autre est d’endurer l’excès de la chaleur et de la bonne chère. Il vomira dix fois avant de se rendre ; mais enfin, obligé d’avouer sa défaite, il entre en composition : alors son hôte lui fait acheter la trêve par un présent, ce seront des habits, ou des chiens, menaçant de le faire chauffer et manger jusqu’à ce qu’il crève ou qu’il paie. Le convié donne ce qu’on lui demande, et reçoit en retour des haillons, ou de vieux chiens estropiés. Mais il a le droit de la revanche, et rattrape ainsi dans un second festin l’équivalent de ce qu’il a perdu dans le premier.

Cette réciprocité de traitemens entretient les liaisons, l’amitié, l’hospitalité chez les Kamtchadales. Si l’hôte ne se rendait pas à l’invitation du convive qu’il a si bien regalé, celui-ci viendrait s’établir chez lui sans rien dire ; et s’il n’en recevait pas des présens, même sans les demander, l’étranger, après avoir passé la nuit, attellerait ses chiens sur l’yourte de son hôte, et, s’asseyant sur son traîneau, il enfoncerait son bâton dans la terre, sans partir, jusqu’à ce qu’il eût reçu des présens. Ce serait une injure cruelle, et le sujet d’une