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ensuite ils les massacraient tous, ou les brûlaient dans la nuit. Les Cosaques ont appris par ces trahisons à se défier des caresses et des invitations de ces sauvages. Si leurs femmes sortent la nuit de leur yourte, car elles abhorrent le sang, et leurs maris n’osent en répandre sous leurs yeux ; si les hommes racontent des songes où ils ont vu des morts ; s’ils vont se visiter au loin les uns les autres, c’est un indice infaillible de révolte ou de trahison, et les Cosaques se tiennent sur leurs gardes ; on les égorgerait, eux et tous les habitans qui n’entreraient pas dans le complot.

Rien de plus affreux, disent toujours les Russes, que la cruauté des Kamtchadales envers leurs prisonniers. On les brûle, on les mutile, on leur arrache la vie en détail par des supplices lents, variés et répétés. Cette nation est lâche et timide, disent-ils encore. Cependant, elle craint si peu la mort, que le suicide lui est très-familier ; cependant, quand on fait marcher des troupes contre les Kamtchadales révoltés, ces rebelles savent se retrancher dans les montagnes, s’y fortifier, y attendre leurs ennemis, les repousser à coups de flèches ; cependant, lorsque l’ennemi l’emporte, soit par la force ou par l'habileté, chaque Kamtchadale commence par égorger sa femme et ses enfans, se jette dans des précipices, ou s’élance au milieu des ennemis, « pour se faire un lit, dit Kracheninnikov, dans le sang et le carnage, pour ne pas mourir sans se venger. Dans une