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nature fût assez malheureux pour vivre dans un état de guerre ? S’il n’a rien à perdre, qu’a-t-il à gagner ? Cependant, si l’on s’en rapporte aux Russes, les Kamtchadales se faisaient la guerre entre eux avant que les Russes vinssent les soumettre. Quel était l’objet de cette guerre ? Des prisonniers à faire. Le vainqueur employait les hommes à des travaux, les femmes à ses plaisirs. La vengeance, ou le point d’honneur, sentimens outrés et barbares chez tous les peuples, faisaient courir aux armes et au sang. Une querelle entre des enfans, un hôte mal régalé par un autre, c’en était assez pour détruire une habitation. On y allait de nuit, on s’emparait de l’entrée des yourtes ; un seul homme, avec une massue ou une pique, tuait ou perçait une famille entière. Ces guerres intestines n’ont pas peu contribué, dit-on, à soumettre les Kamtchadales aux Cosaques. Une habitation se réjouissait de la défaite d’une autre, sans songer que l’incendie d’une maison menace les maisons voisines, et que la destruction d’une peuplade prépare la ruine d’une nation. Mais il en a coûté cher aux Cosaques pour réduire les Kamtchadales : ce peuple, terrible dans la défense naturelle, a recours à la ruse, si la force lui manque. Lorsque les Cosaques exigeaient le tribut, pour les Russes, de quelque habitation qui n’était pas soumise, les Kamtchadales, loin de témoigner d’abord la moindre résistance, attiraient les cruels exacteurs dans leurs cabanes, et les endormaient par leurs présens et leurs festins ;