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leurs chiens s’échauffent mutuellement couchés pêle-mêle, et se nourissent en route de poisson sec, qui n’a pas besoin d’apprêts. Aux mois de mars et d’avril, saison des voyages, ils passeront deux ou trois nuits dans un endroit isolé. Les hommes s’accroupissent sur le bout des doigts des pieds, entortillés dans leurs pelisses, et dorment tranquillement dans cette situation gênante. D’ailleurs ils sont endurcis au froid. « J’ai vu plusieurs de ces sauvages, dit Kracheninnikov, qui s’étant couchés le soir, le dos tout nu, tourné vis-à-vis du feu, dormaient d’un sommeil profond, quoique le feu fût éteint, et que leur dos fût couvert de givre. » Mais parmi tous ces périls et ces accidens, c’est une grande ressource pour l’homme que la compagnie de ses chiens. Cet animal fidèle échauffe et défend son maître durant le sommeil. Moins fort que le cheval, mais plus intelligent, au milieu des ouragans qui obligent le voyageur d’avoir les yeux fermés, il ne s’écarte guère de son chemin ; et si le mauvais temps l’égare, son odorat lui fait bientôt retrouver sa route dans le calme. Sage et prévoyant, sa sagacité prédit l’orage ; et, soit finesse de tact, soit l’effet d’une correspondance secrète de la vicissitude de ses modifications avec celle des températures de l’air, quand l’ouragan s’approche et s’annonce sur la neige qu’il amollit ou rend plus humide, le chien s’arrête, gratte la terre avec ses pattes, et semble avertir son maître de la tempête.

Qui croirait qu’un peuple si peu soigné de la