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celle-ci le craint et le fuit, malgré la supériorité de sa masse et de ses forces, qui semble lui donner l’empire sur les habitans de la mer. Son ennemi la fait échouer sur la côte, ou la relance en haute mer, jusqu’à ce qu’il se trouve renforcé par une troupe de son espèce. Alors ils fondent tous ensemble sur le monstre, qui fait entendre le bruit de ses mugissemens à plusieurs milles ; et ils le tuent sans le dévorer ni l’entamer. Les habitans du Kamtchatka profitent de cette chasse, et conservent une sorte de vénération pour le kasatka ; mais ce culte est moins inspiré par la reconnaissance que par la crainte. Quand ils voient un de ces animaux, ils le conjurent, avec une espèce d’offrande, de ne point leur faire de mal : c’est qu’il submerge facilement un canot.

Le motkoïa, qui s’appelle akoul à Arkhangel, est un squale. Les Kamtchadales ont tant de frayeur de ce monstre, que, lors même qu’il est coupé en petits tronçons, ils disent qu’il remue continuellement, et que sa tête roule les yeux de toutes parts pour chercher son corps.

Il y a dans le Kamtchatka, dit Kracheninnikov, autant d’espèces de saumons que les naturalistes en ont observé dans tout l’univers. Ils y abondent si fort en été, que, s’il faut l’en croire, ils font déborder les rivières en les remontant avec le flux ; et quand elles rentrent dans leur lit, la quantité de saumons qui restent morts sur le sable empesterait l’air de la puanteur qu’ils exhalent, sans les vents continuels