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portent à se gorger de ces présens funestes que la mer leur envoie. « Je fus témoin, dit Kracheninnikov, au mois d’avril 1739, de l’horrible ravage que leur causa cette nourriture. Aux bords de la Berezova, par le 53e. degré de latitude sur la côte orientale, est une petite habitation appelée Alaoun. Je remarquai que tous ceux que je voyais étaient pâles et défaits. Comme je leur en demandai la raison, le chef de l’habitation me dit qu’avant mon arrivée, un d’entre eux était mort pour avoir mangé de la graisse d’une baleine empoisonnée, et que, comme ils en avaient tous mangé, ils craignaient de subir le même sort. Au bout d’environ une demi-heure, un Kamtchadale, très-fort et très-robuste, et un autre plus petit, commencèrent tout à coup à se plaindre, en disant qu’ils avaient la gorge tout en feu. Les vieilles femmes, qui sont leurs médecins, les attachèrent avec des courroies, vraisemblablement pour les empêcher d’aller dans l’autre monde. La femme d’un des malades, venant par-derrière, lui prononça tout bas quelques paroles sur la tête pour l’empêcher de mourir. Tout fut inutile ; ils expirèrent tous deux le lendemain, et les autres, à ce que j’appris ensuite, furent bien long-temps à se rétablir. »

Si la graisse de baleine est quelquefois funeste aux Kamtchadales, ce cétacé leur est d’ailleurs utile à beaucoup de choses ; ils emploient sa peau à des semelles et des courroies ;